Coups de Coeur
Recommandé par Frédérique Germanaud.
Ariane Dreyfus Le double été
Le double été est un livre de deuil, thème assez souvent traité en littérature, mais singulier en ce qu’il puise sa source dans un film, Ce sentiment de l’été, de Mikhaël Hers. La poète Ariane Dreyfus s’efface donc derrière Anders, jeune homme dont la compagne meurt subitement un beau jour d’été. Aux
côtés d’Anders, se trouvent Zoé, sœur de la défunte Sasha, et son fils. La mort, le chagrin et les souvenirs travaillent chacun de manière différente, et la poète entrelace la narration de nombreuses citations, notamment de Jean-François Billeter et Mathieu Bénézet pour faire de la peine une matière profondément mouvante, vivante, à la fois individuelle et collective.
On retrouve dans ce livre, comme toujours chez Ariane Dreyfus, une grande attention portée aux corps, aux gestes, à la lumière. Une grande douceur aussi. L’écrivaine semble envelopper ses personnages et ses lecteur.ices d’une double étoffe réconfortante : celle des mots et de la poésie
par-dessus celle des images et de la fiction.
Le lecteur peut raviver sa mémoire, s’il a vu le film, ou se laisser prendre par la main, suivre Anders, de la stupeur face à la mort à sa rencontre avec Lisa, « laissant le soleil dire sa tendresse autant que le désir »
Recommandé par Frédérique Germanaud.
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Sandrine Cnudde La constellation de la sandale
Le 15 décembre 2019, Sandrine Cnudde reçoit une invitation du festival de Bagnères-de-Bigorre. Elle accepte. Elle viendra à pied depuis Uzès, soit 600 kilomètres à travers l’Occitanie. Sentiers, bivouaques – « Il est vingt heures, je m’enduvette » –, l’écrivaine se place dans les pas des ancêtres nomades chasseurs-cueilleurs, croisant ce rapport de lignée verticale à l’horizontal des cartes IGN. Elle écrit « avoir trop longtemps pesé moins de 50 kilos et trop souvent déménagé ». Peut-être en a-t-elle gardé cette volonté de ne pas trop peser sur le monde.
Sandrine Cnudde nous livre sa cueillette. A l’allure des jambes, le monde se saisit dans ses replis. Un arbre, un être humain, des traces. Le soleil tape dur. Une chute nous rappelle qu’un écrivain c’est aussi un corps, un corps qui souffre, trébuche, se blesse.
Mais « ça va aller ». Il le faut bien, avec parfois le secours d’une voiture, d’une chambre et d’une douche. La marche se ponctuera de lectures livrées à un public de rencontre. Et la marche deviendra livre.
« Et ce jour-là, si vous me demandez quel est le plus beau coin que j’ai vu, je vous dirais qu’il est dans un endroit qui n’est pas un lieu : dans le poème. Ou plus certainement, je dirais : fais ton sac et va voir, va ! »er roman éminemment original, par sa forme à la fois narrative et formelle
Recommandé par Frédérique Germanaud.
Milène Tournier, Le présent c’est ce qui interrompt la mémoire
Milène Tournier est une arpenteuse-glaneuse. Elle marche. Ouvre ses yeux et ses oreilles. Urbaine, absolument, elle cueille les frémissements de vie dans chaque recoin, les travaille pour nous les donner à lire, dans une autre vie, une forme d’intensité, celle de la langue. Entrecoupant ces sortes
d’instantanés, des fragments de « journal ouvert », à la fois intime et offert en ce qu’il nous concerne tous.
« Le difficile surtout
C’est d’être morte dans ta vie. »
Un très juste équilibre entre le dehors et le dedans de soi, le grave et le tendre, nous accompagne longtemps.
« Je sèche ma pluie à la bibliothèque
Il y a long que je n’ai pas eu
d’averse en moi. »
Recommandé par Anne-Marie Bonave.
Emma Doute van Troostwijk, Ceux qui appartiennent au jour
La narratrice retourne au Presbytère, quitté depuis une année, pour retrouver quelques jours durant ses grands-parents, ses parents et son frère, d’origine néerlandaise installés en France ?
Les 3 personnages masculins sont au centre de cette brève histoire de mémoire. Le grand-père, ancien pasteur, est atteint d’Alzheimer.
Le père, pasteur également, a fait un burn-out et ses troubles de mémoire l’obligent à parsemer de post-it les murs de la maison.
Quant au frère, Nicolaas, il s’apprête à être ordonné et à suivre le chemin tout tracé de la lignée paternelle. Mais, on sent chez lui l’hésitation et le doute sur la profondeur et le sens de sa foi dans le monde d’aujourd’hui.« J’ai l’impression d’avoir envie de faire un métier qui n’existe plus », dit-il. Avec une complicité pleine de tendresse, Il partage souvenirs d’enfance et questionnements sur l’avenir avec sa sœur.
Autour des 3 hommes, les personnages féminins représentent les piliers solides de la famille.
Le récit, empreint de poésie, de douce nostalgie et de tendresse, est construit sur la base de chapitres courts mais très évocateurs, parfois quelques phrases seulement, un peu comme les petites touches d’un tableau impressionniste.
La langue tient une place de choix dans le récit, parsemé d’expressions idiomatiques néerlandaises qui affinent le sens de nos formulations françaises.
En français on perd la tête, en néerlandais on perd le chemin : Ze zijn de weg kwijt.
Le titre Ceux qui appartiennent au jour, vient d’une expression néerlandaise qui désigne l’incertitude de revoir le lendemain les personnes que l’on côtoie. En français leur vie ne tient tiennent qu’à un fil, en néerlandais, ils appartiennent au jour : Het zijn mensen van de dag.
.Emma Doude van Troostwijk écrit un premier roman éminemment original, par sa forme à la fois narrative et formelle.
« Je voulais raconter ça, l’histoire d’une famille de pasteurs qui perd la mémoire. Traiter d’un drame, avec le plus de lumière possible. »